Le Quai de Ouistreham est un spectacle de femmes : une metteure en scène et une actrice donnent voix au texte d’une journaliste grand reporter, qui elle-même a su donner une voix à ces femmes de l’ombre, femmes qui travaillent avant l’ouverture des bureaux ou lorsque les portes sont enfin closes, qui récurent, astiquent, ploient sous l’effort et nous donnent le sentiment d’un monde propre à la sueur de leur front.
Le Quai de Ouistreham est une plongée dans la « crise ». Cette crise dont on a beaucoup parlé, dont on parle moins aujourd’hui et dont pourtant nous supportons les séquelles. Florence Aubenas abandonne sa carte de presse et son confort parisien pour partir à Caen. Là, de façon anonyme, elle éprouve une autre vie, celle d’une femme célibataire de cinquante ans, sans enfants, divorcée, n’ayant jamais travaillé, qui s’inscrit à Pôle Emploi pour la première fois… Pour donner à la « crise » un corps et une voix.
Le Quai de Ouistreham est une immersion dans la parole. Durant une heure, c’est une actrice seule au plateau qui se confronte au témoignage. Avec délicatesse, humour et sincérité, elle recrée les situations, les interroge, nous interroge. Le plateau devient un lieu d’enquête et de questionnement. Un lieu de prise de conscience, toujours aussi nécessaire et urgent.
“Le quai de Ouistreham n’est pas un texte de théâtre. Ce n’est pas une fiction non plus. C’est un récit journalistique issu d’une enquête de terrain. La langue de Florence Aubenas, bien que très littéraire, ne s’embarrasse pas de fioriture. C’est une langue orale, dynamique, efficace, qui va aux faits. C’est une langue qui raconte, et qui témoigne.
La pièce commence dans le noir : une voix enregistrée nous raconte les prémices de ce livre. La crise, l’impossibilité d’écrire, la nécessité de l’expérience, ses conditions. Le décor est posé, il n’y a plus qu’à raconter. Pour seuls accessoires, un paperboard et une chaise : signes d’une bureaucratie, d’un Pôle Emploi ramené à son efficacité, d’un dénuement, d’une journaliste en quête de mots à écrire.
Monter Le Quai de Ouistreham, c’est se poser la question de la représentation, et de ses limites. Avec Magali Bonat, nous avons cherché un jeu absolument investi dans la parole et dans son rapport au public, sans interprétation superflue des faits rapportés. Les femmes dont Florence Aubenas nous parle ne sont pas incarnées, simplement évoquées par un geste, une attitude, signe d’un autre qui fait irruption au plateau et s’efface aussitôt.
Ce spectacle, nous le voulons politique. Non qu’il soit à thèse, mais parce que, dans un rapport frontal au spectateur, sans pathos, il l’invite à recevoir ce témoignage et à réfléchir. Il découvre le quotidien de ces invisibles de notre société, à qui on donne si peu la parole ou qui n’ont pas l’occasion de la prendre.” (Louise Vignaud)
Retour sur l’évènement en quelques photo de Léonard Goria
Pour covoiturer c’est ici
Texte Florence Aubenas • Mise en scène Louise Vignaud • Jeu Magali Bonat • Son Félix Mirabel • Lumière Brice Gharibian • Production Cie La Résolue